CARTOGRAPHIE CELLULAIRE DU CERVEAU
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Pendant longtemps, la résolution des cartes anatomiques du cerveau dont disposaient les neurobiologistes pour placer les indices des diverses activités cérébrales n’excédait pas l’échelle des petits réseaux de neurones et des liens existant entre eux.
Si de très nombreuses données cellulaires précises existaient néanmoins, le fait qu’elles étaient obtenues par des techniques très diverses les rendait difficiles à exploiter ensemble. La production d’atlas génomiques cellulaires du cerveau poursuit l’objectif d’intégrer ces données dans le cadre anatomique à une échelle très fine pour pallier ce problème.
Un florilège de techniques d’observation du cerveau
À partir de la décennie 2010, les neurosciences ont été marquées par une série d’innovations technologiques d’observation du cerveau et de son activité : l’optogénétique permet de visualiser l’activité des réseaux de neurones ; l’électrophysiologie et l’imagerie rendant compte de l’activité de grandes populations de neurones, si elles ne sont pas des méthodes vraiment nouvelles, bénéficient sans cesse d’améliorations significatives ; l’IRM de diffusion permet désormais de visualiser les voies de circulation des influx nerveux, et donc celle de l’information entre neurones ; l’imagerie microscopique par ultrasons in vivo ou encore l’imagerie nanoscopique par fluorescence apportent de précieuses informations sur les mouvements de récepteurs membranaires de neurones isolés. S’y ajoutent les transcriptomes, c’est-à-dire l’analyse des gènes exprimés dans des neurones précisément identifiés et dans une situation physiologique ou pathologique donnée. L’ensemble de ces technologies de pointe constitue une véritable métamorphose des méthodes des neurosciences. Mais celle-ci demeurerait incomplète si ne se réalisait, en parallèle, une révolution informatique du traitement de ces données biologiques, telle qu’on la connaît avec les big data, ces ensembles de données caractérisés par leur variété et leur grand volume, et qui sont en permanence en cours d’acquisition et d’utilisation. Cette évolution s’applique désormais aux neurosciences pour gérer les immenses ensembles de données caractérisant le fonctionnement des différents types de neurones du cerveau selon leur position et leurs relations, l’expression de leurs gènes, leurs morphologies, et leurs propriétés physiologiques et pathologiques.
Cette tâche est réalisée par la construction d’atlas génomiques cellulaires du cerveau de la souris et de l’homme. Comme pour tous les atlas de ce type, leur réalisation requiert que les ensembles de données récoltées, quelque disparates qu’elles puissent être, soient pour chacun d’entre eux :
– alignés pour des comparaisons dans un même espace borné anatomique ;
– agrégés pour créer des bases de données synthétiques analysables par de nouveaux outils informatiques dédiés ;
– associés à de nouveaux types de données, le plus souvent de nature génomique.
Les grands projets d’atlas génomiques du cerveau à l’échelle cellulaire combinent d’abord des données anatomiques comme celles de l’atlas BigBrain de 2013 ou du portail EBRAINS de l’initiative européenne Human Brain Project. Ces données sont ensuite agrégées avec des données génomiques que sont les profils d’expression quantifiée des gènes, réalisés dans des coupes de cerveau de localisation précise. Ces atlas sont en fait des systèmes d’information tels que ceux utilisés par toutes les sciences quantitatives utilisant des big data. Dans tous les cas, l’alignement des bases de données hétérogènes, dynamiques, utilisées et alimentées en ligne en continu, est réalisé en établissant des correspondances entre des ensembles distincts.
Pour les atlas cellulaires, ces correspondances portent à la fois sur des données anatomiques[...]
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Écrit par
- Jean-Gaël BARBARA : neuroscientifique, directeur de recherche CNRS
Classification
Média