BOUDDHISME (Les grandes traditions)Bouddhisme tibétain
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Textes canoniques et littérature scolastique
La première préoccupation des Tibétains en se convertissant fut d'avoir accès aux textes canoniques, rédigés pour la plupart en sanskrit, mais aussi dans des langues vernaculaires, si l'on en croit un édit royal ordonnant de retranscrire les originaux en sanskrit avant leur traduction en tibétain. Trois révisions successives de la langue des traductions furent ordonnées, la dernière au début du xie siècle, créant ainsi des équivalences stables et si adéquates que les bouddhologues utilisent les versions tibétaines pour corriger ou suppléer les textes sanskrits. Les traductions étaient menées conjointement par des pandits indiens et par des traducteurs tibétains, puis soigneusement revues et corrigées, et les noms des traducteurs et des correcteurs étaient inscrits au bas des manuscrits. Les textes dûment établis, très tôt aussi les Tibétains eurent le souci de les rassembler et de les cataloguer, comme en témoigne le catalogue de la Bibliothèque royale, dressé au palais de lDan-kar au ixe siècle et parvenu jusqu'à nous.
À partir du xie siècle, la période de deuxième diffusion du bouddhisme, qui vit se renouer des liens étroits avec l'Inde, le Népal, le Cachemire, fut marquée à son tour par des traductions intensives : de textes nouveaux, mais aussi de textes déjà traduits au cours de la première période de diffusion du bouddhisme. Au xiiie siècle, plusieurs ébauches de collections canoniques sont constituées, prenant pour modèle le Tripitaka indien, mais c'est Bu-ston Rin-chen grub (1290-1364) qui donnera leur forme presque définitive aux deux grandes collections du bKa'-'gyur, « Traduction des paroles du Buddha », et du bsTan-′gyur, « Traduction des traités ». Cette compilation fut l'œuvre des savants des « nouvelles » écoles ; pour la mener à bien, ils entreprirent un travail d'exégèse colossal, qui forme le noyau et le modèle de toute la littérature scolastique tibétaine. Ils entreprirent ainsi de déterminer des critères d'authenticité pour les sūtra, les tantra et les traités écrits par des maîtres indiens. Ces critères, fort stricts à partir de Bu-ston, conduisirent à écarter des collections canoniques nombre de traductions anciennes qui n'y répondaient pas : si, par exemple, l'original sanskrit restait introuvable ou si leur transmission n'était pas établie avec suffisamment de certitude.
En réaction, les écoles « anciennes » rNying-ma-pa et Bon-po, qui affirmaient la validité des enseignements transmis depuis l'époque de première diffusion du bouddhisme, se mirent à rassembler les textes rejetés par les « nouveaux », en des collections qui leur sont propres, et à développer leur propre littérature exégétique pour défendre leurs positions. Parallèlement aux textes et enseignements qu'ils affirmaient avoir été transmis sans interruption depuis l'époque ancienne, ils s'appuyèrent sur un type particulier de littérature révélée encore plus suspecte aux yeux des autres écoles, celle des « textes-trésors » (gter-ma) : cachés par un saint personnage au temps de la première diffusion du bouddhisme, confiés par lui à une divinité gardienne qui ne devait les laisser prendre que par l'être prédestiné à les mettre au jour, ils furent « découverts » depuis le xie siècle et jusqu'à nos jours. Chez les rNying-ma-pa, ils entrent pour une part dans la Collection des tantra anciens (rNying-ma'i rgyud-'bum), rassemblée sous forme manuscrite au xve siècle. Ils forment aussi de grands cycles liturgiques rattachés à des divinités particulières, et des cycles légendaires autour des rois Srong-btsan sgampo et Khri-srong lde-btsan, et de Padmasambhava.
Il en va de même chez les Bon-po, qui ont constitué deux collections canoniques parallèles à celles des bouddhistes : le bKa'-'gyur (traduction des paroles du Buddha), mais la langue originelle cette fois est le zhang-zhung, langue sacrée des Bon-po, et le Buddha est gShen-rab leur fondateur ; le bKa'-'gyur comporte cent soixante-quinze volumes classés en mDo (Sūtra), 'Bum (Prajñāpāramitā), rGyud (Tantra) et mDzod (Abhidharma), dont beaucoup sont des « textes-trésors ». Le brTen-'gyur, « Ce qui s'appuie sur la parole du Buddha », comporte cent trente et un volumes qui se présentent comme des commentaires aux textes du bKa'-'gyur. Si la table des matières et certains textes de ces collections sont connus, on n'en possède actuellement aucun exemplaire complet. Bien que les autres écoles accusent les Bon-po de plagiat, seule une étude détaillée des t [...]
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Écrit par :
- Anne-Marie BLONDEAU : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, section des sciences religieuses (religions tibétaines), responsable de l'U.A. 1229 du C.N.R.S. (langues et cultures de l'aire tibétaine)
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Pour citer l’article
Anne-Marie BLONDEAU, « BOUDDHISME (Les grandes traditions) - Bouddhisme tibétain », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 19 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/bouddhisme-les-grandes-traditions-bouddhisme-tibetain/