BIOLOGIELes pratiques interventionnelles
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Depuis le dernier quart du xxe siècle, la biologie s'est dotée de nouveaux moyens techniques et de nouveaux protocoles expérimentaux qui lui donnent la possibilité d'intervenir sur les organismes vivants au niveau de leurs gènes : soit pour leur conférer de façon permanente et transmissible certaines propriétés physiologiques, métaboliques ou morphologiques non inhérentes à l'espèce (exemple : modifications transgéniques des micro-organismes, des plantes et des animaux ; soit pour obtenir des variants négatifs par effacement ou interférence géniques, dans le but de mieux comprendre certains déterminismes génétiques à caractère physiologique ou développemental. La thérapie génique, imaginée à partir des données de la transgenèse expérimentale, vise ainsi à corriger un dysfonctionnement génétique. Elle se heurte encore à divers écueils mais reste une voie d'avenir.
Contrastant avec l'importante gamme d'interventions à des fins expérimentales, utilitaires ou cliniques qu'offre la génétique, le recours aux cellules souches adultes ou embryonnaires constitue un autre mode d'intervention réparatrice s'apparentant à la technique des greffes. Cette approche biologique tire cependant parti, contrairement à celle des greffes classiques de tissus ou d'organes, de la pluripotence de ces cellules souches. Face à l'émergence d'une biologie désormais apte à modifier le destin cellulaire des êtres vivants – donc « interventionnelle » en quelque sorte –, la réflexion éthique, l'information du public et, dans certains cas, l'encadrement législatif sont des corollaires indispensables pour éviter deux écueils majeurs : la naissance d'une dérive eugénique d'inspiration scientifique, et l'apparition de changements irréversibles au sein de la biodiversité.
Agir sur la variabilité génétique
Transgenèse
Il y a des siècles que l'homme s'efforce de modifier, par croisements et sélections, les propriétés des plantes et des animaux afin d'obtenir de nouvelles variétés.
Les premières tentatives scientifiques – à tout le moins fondées sur une connaissance précise des gènes – en vue de modifier directement et de façon stable certains caractères des espèces existantes en leur transférant des gènes provenant d'espèces ou de genres très éloignés sont apparues avec les techniques de l'ADN recombinant, c'est-à-dire avec le génie génétique. Ces techniques ont vu le jour en 1972, grâce aux travaux d'Herbert Boyer, de Stanley Cohen et de l'équipe Paul Berg à Stanford.
Les procédés du génie génétique ne se sont pas limités à l'étude de génomes hybrides artificiellement créés par recombinaison, in vitro, entre molécules d'ADN. En effet, les biologistes ont de bonne heure compris qu'ils disposaient là de deux voies d'exploration d'un intérêt considérable. L'une, à caractère fondamental, était d'isoler à l'état pur et sur une grande échelle n'importe quel gène issu d'organismes eucaryotiques. L'autre voie tenait à la possibilité de déclencher par transfert artificiel de gènes purifiés (ou de leur ADN complémentaire, qu'on désigne par cADN) l'apparition – par suite de l'expression de ce gène – d'un caractère nouveau à l'intérieur d'un animal, l'expérience pouvant être réalisée en dehors de toute contrainte liée aux barrières d'espèces. Cette « transgenèse expérimentale », d'abord réalisée chez la drosophile, fut par la suite pratiquée chez les amphibiens puis chez les Mammifères, principalement la souris. Dans ce dernier cas, la technique consiste à injecter le gène étranger dans le noyau d'un zygote (ovocyte fécondé), à transférer ce dernier dans l'utérus d'une souris femelle et enfin à repérer parmi la descendance du sujet les souriceaux porteurs du « transgène » dans leurs chromosomes. Cette technique permet de suivre et d'analyser l'expression et la régulation de nombreux gènes d'intérêt, dans l'environnement physiologique naturel que constitue l'animal en vie. On peut ainsi établir quelles sont, dans le gène étudié, les séquences d'ADN nécessaires et suffisantes pour qu'il puisse s'exprimer au sein du tissu où il est normalement en activité. Cette spécificité d'expression liée à tel ou tel tissu ne s'observe cependant que lorsque le « recombinant » artificiel injecté dans l'ovocy [...]
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Écrit par :
- François GROS : professeur honoraire au Collège de France, membre de l'Institut
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Voir aussi
- ANIMAUX TRANSGÉNIQUES
- ARN INTERFÉRANT ou INTERFÉRENCE ARN
- BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
- CELLULES SOUCHES
- CELLULES SOUCHES ADULTES
- CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES
- CLONAGE ANIMAL
- CLONAGE THÉRAPEUTIQUE
- GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE
- INVALIDATION génétique ou KNOCK-OUT
- PLANTES TRANSGÉNIQUES ou PLANTES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉES
- RECOMBINAISON HOMOLOGUE génétique moléculaire
- THÉRAPIE CELLULAIRE
- THÉRAPIE GÉNIQUE
- TRANSGENÈSE
Pour citer l’article
François GROS, « BIOLOGIE - Les pratiques interventionnelles », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 11 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/biologie-les-pratiques-interventionnelles/