BIEN ÉCONOMIQUE
Si un bien est défini comme ce qui est utile, apte à satisfaire des besoins humains, un bien économique doit en plus être rare (sinon il s'agit d'un bien libre et gratuit) et produit par une activité humaine (sinon il s'agit d'un bien naturel) – l'air atmosphérique constituant un exemple de bien non économique, à la fois libre et naturel. Cette définition actuelle courante des biens économiques ne rend toutefois pas bien compte de la complexité de la notion et des variations qu'elle continue de connaître.
La relation des biens économiques à l'utilité
Dans L'Économique de Xénophon (env. 380 av. J.-C.), Socrate définit les biens comme ce qui est utile pour l'homme soit directement, soit indirectement parce qu'il peut les vendre – les biens devant dans ce dernier cas nécessairement être possédés (notion de propriété). La distinction entrevaleur d'usage (l'utilité subjective du bien pour une personne donnée) et valeur d'échange (socialisée dans l'échange et qui peut se mesurer par un prix) est donc posée au départ et toutes les apories de la référence à l'utilité sont déjà là : Un bien qui vous fait du mal (drogue) est-il un bien ? N'y a-t-il pas des moyens extrêmement utiles (un ami puissant, une bonne renommée, etc.) qui ne sont pas des biens tout en étant bien ? Quel est le rapport entre la valeur d'usage et la valeur d'échange – ce qui pose le problème du prix et du juste prix ?
Au xviiie et au xixe siècle, l'économie politique classique (Adam Smith, David Ricardo) règle ces problèmes en restreignant la notion de bien économique à ce qui est rare et produit par l'homme et en adoptant la théorie de la valeur travail pour déterminer la valeur d'échange des biens (leur prix) – la valeur d'usage n'étant plus qu'une condition nécessaire à l'existence d'une valeur d'échange. À la fin du xixe siècle, les économistes néo-classiques (Stanley Jevons, Karl Menger, Léon Walras, Alfred Marshall) effectuent un retour très partiel à la conception ancienne liant biens et utilité : ils relient la valeur d'échange non plus au travail, mais à l'utilité marginale des biens pour les consommateurs, tout à fait différente de la valeur d'usage qui renvoie à l'utilité totale des biens. Cette utilité est de plus détachée de tout jugement de valeur et de toute dimension sociale : elle est purement subjective et individuelle (les drogues – appréciées et demandées par leurs utilisateurs – sont, dans cette optique, des biens économiques). L'économiste italien Vilfredo Pareto proposera d'utiliser le mot savant d'ophélimité, pour éviter toute confusion avec l'utilité au sens courant du terme. Les réflexions contemporaines sur les nouveaux types de relation et d'échange de biens et de services font moins, ou peu, intervenir les prix et les marchés (échanges pair à pair, finance solidaire, partage des biens et des services, open source, etc.) ; de ce fait, l'attention est recentrée sur la valeur d'usage des biens au détriment de leur valeur d'échange et sur l'accès à ces biens ou l'usage de ces biens au détriment de leur propriété (économie du partage, économie collaborative, etc.).
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Écrit par
- Marc PÉNIN : maître de conférences de sciences économiques à l'université de Montpellier-I
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Pour citer cet article
Marc PÉNIN, « BIEN ÉCONOMIQUE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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Voir aussi
- OPHÉLIMITÉ, science économique
- NÉO-CLASSIQUE THÉORIE ÉCONOMIQUE
- BIENS DE CONSOMMATION
- BIENS DE PRODUCTION
- PRODUITS INTERMÉDIAIRES
- BIENS PUBLICS ou COLLECTIFS
- SUBSTITUTION, économie
- RARETÉ, économie
- BIENS & SERVICES
- BIENS IMMATÉRIELS
- UTILITÉ, économie
- PENSÉE ÉCONOMIQUE HISTOIRE DE LA
- CLASSIQUE ÉCOLE, économie