AXION

L’histoire des sciences est riche d’hypothèses audacieuses avancées par des théoriciens et fondées sur une formulation mathématique des lois de la nature. Dans le domaine de la physique des particules élémentaires, ces hypothèses prennent souvent la forme de la prédiction de l’existence d’une particule nouvelle qui doit signer la pertinence d’une description abstraite des interactions fondamentales. La découverte des neutrinos – proposés par Wolfgang Pauli afin de préserver la loi de conservation de l’énergie qui semblait violée dans la désintégration de noyaux radioactifs – et celle, plus récente, du boson de Higgs – introduit dans la théorie des interactions électrofaibles pour justifier la masse élevée des bosons vecteurs de cette force – sont les succès les plus connus de ces quêtes. Mais la plupart des particules hypothétiques n’ont jamais été découvertes, l’imagination des théoriciens dépassant souvent les besoins d’une description réaliste de la nature. Qu’en sera-t-il de la recherche d’un type particulier de particule – dont le nom, « axion », fait référence à une célèbre marque de lessive –, qui « laverait la chromodynamique quantique d’un défaut majeur » ? Les recherches expérimentales se multiplient en effet afin de tenter de découvrir cette particule dont l’existence a été postulée à partir des années 1970. Elle aurait une masse bien inférieure à celle de l’électron et aurait des interactions extrêmement faibles avec la matière. Surtout, elle pourrait répondre à une interrogation majeure des physiciens : pourquoi la différence entre matière et antimatière est-elle si minuscule ? Elle pourrait aussi résoudre l’énigme de la « matière sombre », cette matière dont l’omniprésence dans l’Univers semble prouvée par le mouvement des astres, bien qu’aucun signe de son existence n’apparaisse dans les expériences réalisées près des grands accélérateurs de particules.

Les états fondamentaux de la chromodynamique quantique

La proposition que l’axion complète le catalogue des objets élémentaires n’est pas la conséquence d’une observation, mais au contraire, de l’analyse des propriétés mathématiques d’une théorie, la chromodynamique quantique (QCD, pour Quantum ChromoDynamics), construite au début des années 1970 pour rendre compte des manifestations de l’interaction forte liant quarks et gluons comme éléments fondamentaux de la matière nucléaire. Pour suivre le raisonnement des physiciens théoriciens, il faut distinguer les propriétés des interactions – ici, la façon dont se couplent et se perturbent les quarks et les gluons à l’intérieur des noyaux atomiques – des propriétés du « vide quantique », défini comme l’état d’énergie minimale à partir duquel un état physique se construit en lui ajoutant des quarks et des gluons. Le vide quantique n’est pas un néant inaccessible, mais plutôt un objet physique nécessaire à la cohérence mathématique de la QCD.

Il n’y a pas obligatoirement un seul état fondamental d’énergie minimale. Ainsi en est-il de la bille se déplaçant dans un chapeau mexicain (célèbre analogie qui mène à la prédiction de l’existence de la particule de Higgs) : toutes les positions de la bille au repos dans la rigole correspondent à une même énergie minimale et il y a donc une infinité d’états fondamentaux du système chapeau-bille. Qu’en est-il pour la chromodynamique quantique ? À la fin des années 1970, le théoricien néerlandais Gerard ‘t Hooft (Prix Nobel 1999 pour ses travaux sur l’interaction électrofaible) démontre que la QCD possède une infinité de vides quantiques équivalents que l’on peut étiqueter par un nombre entier, et que le véritable état fondamental est étiqueté par un nombre θ (thêta) inconnu, qu’on peut se représenter comme un angle compris entre 0 et 360[...]

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Écrit par

  • Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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Pour citer cet article

Bernard PIRE, « AXION », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

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Autres références

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    • Écrit par Marc LACHIÈZE-REY
    • 3 644 mots
    ...possède-t-il une masse qui lui confère un rôle cosmologique ; nous aurons cependant du mal à les détecter. Parmi les multiples autres suggestions, citons les « axions », dont l'existence est postulée mais non prouvée, dans le cadre de la théorie des interactions fortes. Si leurs masses – a priori arbitraires...
  • PARTICULES ÉLÉMENTAIRES - Bosons

    • Écrit par Claude COHEN-TANNOUDJI, Jacques DUPONT-ROC, Gilbert GRYNBERG, Bernard PIRE
    • 3 704 mots
    • 3 médias
    ...Ainsi, le fait que les interactions fortes respectent la symétrie par renversement du sens du temps est parfois associé à l'occurrence d'un boson appelé « axion » de charge électrique nulle et de faible masse. Les théories supersymétriques, qui associent un boson à tout fermion, postulent...

Voir aussi