AUTOPORTRAIT, peinture
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Le peintre en saint Luc
Apparue, semble-t-il en Flandres, au xve siècle (Rogier Van der Weyden, Dirk Bouts) et assez répandue jusqu'à la fin du siècle suivant (Niklaus Manuel Deutsch, Jan Gossaert dit Mabuse, Lancelot Blondeel...), la formule de l'autoportrait – réaliste ou symbolique – « en saint Luc peignant la Vierge » constitue une introduction idéale à l'histoire du genre, car son évolution épouse celle du statut de la peinture de la fin du Moyen Âge à l'époque moderne. Lorsque, vers 1434, Rogier Van der Weyden (Museum of Fine Arts, Boston) reprend ce très vieux thème de l'art occidental en donnant peut-être au saint patron de sa corporation ses propres traits, il le fait dans un esprit qui adhère encore à la spiritualité médiévale : agenouillé devant la Vierge et l'Enfant, dans un palais ouvert par une baie tripartite sur l'immensité du monde, le peintre consigne de sa fine pointe d'argent, gage de minutie dans le rendu, la beauté du spectacle sacré qui s'offre à lui. Spectateur privilégié, son rôle n'est encore que de « donner à voir » la splendeur de la création divine. Quelques décennies plus tard, vers 1510, chez Maerten Van Heemskerck (musée des Beaux-Arts, Rennes), le peintre est assis devant son chevalet, au milieu d'une salle peuplée de statues antiques ; le sol est jonché de livres grecs ; dans un coin, on aperçoit un astrolabe. Ce décor majestueux assimile l'artiste à un humaniste versé dans les lettres et les sciences : son rôle n'est plus de copier humblement, mais d'analyser à l'aide des outils de connaissance en sa possession et de recomposer pour atteindre l'idéal, par les proportions notamment. Cette infatuation du rôle de l'artiste culmine dans un tableau de Giorgio Vasari (vers 1567, SS. Annunziata, Florence), où saint Luc se hâte de transcrire sur la toile, avec une sorte d'ardeur héroïque, l'apparition de la Madone et de l'Enfant avec des anges, dont il est le témoin. Au fond, dans l'ouverture d'une porte, on aperçoit un artisan broyant des couleurs, qui est là pour signifier que cette besogne « mécanique » est dorénavant indigne du peintre visionnaire et inspiré.
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Écrit par :
- Robert FOHR : historien de l'art
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Pour citer l’article
Robert FOHR, « AUTOPORTRAIT, peinture », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 24 juin 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/autoportrait-peinture/