ROMAN ART
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
La maturité romane
Les deux premiers tiers du xie siècle avaient été ceux des expériences préliminaires, conduites à l'intérieur d'ensembles géographiques relativement vastes. Ils furent d'une importance décisive pour la définition du style et de l'iconographie. Forts de l'expérience acquise, mieux assurés de leurs techniques, les maîtres d'œuvre se trouvèrent dès lors en mesure de satisfaire à une demande accrue et à des programmes encore plus ambitieux.
Apparemment, les conditions économiques, sociales et politiques ne paraissaient cependant guère favorables à cet élargissement. L'activité s'exerce dans un monde cloisonné par l'émiettement féodal, les États nés de la dislocation de l'empire carolingien n'ayant pu se maintenir dans les structures économiques et sociales devenues purement rurales. Mais des forces nouvelles viennent remédier au trop grand éparpillement et rétablissent un minimum de liaisons.
Dans l'ordre économique, une reprise des échanges conduit à la renaissance des villes, notamment dans l'Italie du Nord, dans la France septentrionale et en Flandre. Ces cités, bien qu'encore modestes, connaissent un style de vie différent de l'existence proprement agricole. Un certain regroupement politique s'opère en outre en Angleterre, ainsi qu'en France et même en Allemagne. La féodalité, obligeant les cadets à l'aventure, est à l'origine d'expéditions militaires du style de celle des Normands dans l'Italie méridionale et en Sicile. Elles ont pour effet de desserrer l'étau que le monde musulman avait un moment fermé sur l'Europe. De ces entreprises militaires, aussi bien que des voyages des marchands, résultent des courants de relations que consolident les pèlerinages, c'est-à-dire ces immenses mouvements de populations jetant des foules d'inadaptés, d'instables ou simplement de pénitents sur les routes de Rome, de Compostelle et de Jérusalem. Toutes les impulsions et les motivations portant au voyage et à l'aventure un monde demeuré naturellement nomade se trouvent mêlées dans le grand mouvement des croisades, celles d'Espagne et celles de Terre sainte.
Vers la fin du xie siècle, le clergé apparaît encore comme le principal bénéficiaire des progrès économiques, sociaux et culturels. Or, ce clergé, travaillé par l'idée de réforme, plus instruit et disposant de moyens financiers accrus, possède une idée très précise de l'art, auquel il accorde tout à la fois un rôle pédagogique et une signification surnaturelle. Il parvient à contrôler la plupart des forces vives qui traversent la création artistique – en dehors de l'architecture civile et militaire, dont le développement s'opère en marge du style roman, et dont il ne sera donc pas question ici – et il crée un véritable art sacré, le seul peut-être qu'ait jamais possédé l'Occident.
Géographie de l'architecture romane
Ce double caractère d'unité et de diversité, que présente alors l'Occident, se retrouve d'abord dans l'architecture, la technique romane par excellence.
D'une part, on aborde dans un esprit commun les problèmes fondamentaux qu'elle pose, et notamment celui d'une couverture identique pour l'ensemble de la maison de Dieu, autrement dit l'extension de la voûte à la nef et à ses collatéraux. Si l'on diverge sur les solutions à apporter, qu'il s'agisse du berceau en plein cintre ou brisé, de la voûte d'arêtes ou de la voûte nervée, et enfin de la coupole, on s'accorde assez généralement sur la manière de traiter les supports et les maçonneries. Partout on établit des liaisons organiques entre la couverture et ses supports, plus particulièrement entre les doubleaux, qui renforcent la voûte à intervalles réguliers, et les piles et les contreforts, privilégiés dans la fonction portante. Il en résulte une nouvelle plastique découlant de la substitution d'une architecture de supports à la continuité murale et de la fragmentation de l'espace intérieur en une suite de travées juxtaposées. Le système, de signification essentiellement architectonique au départ, ne tarda pas à acquérir une valeur esthétique, et parfois même symbolique. L'enrichissement des points de vue justifia son extension à des structures charpentées, préparant ainsi à la voûte de nouvelles conquêtes. En outre, la complexité croissante qu'affectent les piliers pour affirmer plastiquement leur f [...]
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 31 pages
Écrit par :
- Marcel DURLIAT : professeur émérite d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail
Classification
Autres références
« ROMAN ART » est également traité dans :
ALLÉGORIE
Dans le chapitre « Le Moyen Âge » : […] Au Moyen Âge, la symbolique allégorique privilégie surtout, au moins jusqu'au xv e siècle, des représentations des arts libéraux ( trivium , quadrivium ) et du combat des vertus et des vices. Deux textes sont à la base des cycles d'images : les Noces de Philologie et Mercure de Martianus Capella et la Psychomachie de Prudence, tous deux composés au iv e siècle. L'iconographie suit de très […] Lire la suite
ARAGON
Dans le chapitre « À l'époque romane » : […] Les vallées pyrénéennes ignorèrent toujours les charmes orientaux de l'Aragon mudéjar. Leurs préférences allèrent à l'esthétique occidentale et d'abord à l'art roman, à la création duquel elles contribuèrent activement. Ce fait est lié à une politique délibérée de rapprochement avec l'Occident qui fut inaugurée par le roi de Navarre Sanche le Grand (1004-1035). Ce souverain, qui réunit sous son au […] Lire la suite
BEATUS DE SAN MILLÁN DE LA COGOLLA, province de la Rioja (Espagne)
Le Beatus de San Millán de la Cogolla est le plus complet des trois copies réalisées dans ce monastère de la Rioja. L'ouvrage, conservé à la Real Academia de la Historia de Madrid, est composé de 282 feuilles de parchemin et mesure 355 × 240 mm. On pense qu'il a été commencé vers 1010, mais l'ouvrage, entrepris à l'époque troublée de la Reconquista ne fut achevé que vers la fin du xi e siècle, […] Lire la suite
BESTIAIRES
Dans le chapitre « L'art gréco-romain et médiéval » : […] Cette inspiration, qui fait du décor de la vie quotidienne l'image des rapports de proximité, d'intérêt et de sympathie entre l'homme et l'animal, se retrouve dans le mobilier zoomorphe de diverses époques : Égypte ancienne, Renaissance française, style Chippendale anglais. L'animal ou une partie du corps de l'animal, est support, gardien et compagnon des fauteuils et des lits. Il est remarquable […] Lire la suite
CATALOGNE
Dans le chapitre « L'art roman » : […] La chute du califat de Cordoue, peu après l'an mille, détermina un changement complet dans le sens des influences artistiques. Celles de l'Occident chrétien, et notamment de l'Italie, deviendront pour longtemps prépondérantes. C'est dans cette conjoncture nouvelle que naît l'art roman. […] Lire la suite
CLOÎTRE DE SAINT-PIERRE DE MOISSAC
C'est sous l'égide clunisienne et après la reconstruction de l'église abbatiale Saint-Pierre qu'intervinrent les travaux du cloître de Moissac achevé vers 1100. Sur un ensemble de 75 chapiteaux romans surmontant des colonnettes alternativement simples et doubles, 45 sont historiés sur les quatre faces. Ce parti ornemental, favorisé par la situation des scènes placées à hauteur des yeux, tranchait […] Lire la suite
CLOÎTRES
Dans le chapitre « L'esprit cistercien » : […] Réceptacle de la méditation, le cloître cistercien est une construction dépouillée dont la claire architecture ne doit sa beauté qu'à l'accord des volumes purs avec la simplicité du plan et de l'élévation. Le cloître de Fontenay, bâti du vivant de saint Bernard, est un type achevé de ces constructions abstraites d'où toute décoration superflue est bannie. L'arcature groupe des baies géminées sur […] Lire la suite
CLUNY
Dans le chapitre « Les origines du monastère bourguignon » : […] De la première église, celle que Bernon avait bâtie dans la vallée Noire, à l'appel de Guillaume, duc d'Aquitaine, on ne sait pas grand-chose. L'archéologue américain K. J. Conant, qui a dirigé les fouilles de Cluny, croit la reconnaître dans la sacristie de l'église abbatiale suivante (Cluny II). Ce premier sanctuaire était de forme rectangulaire et précédé, à l'est, d'une tour carrée. La second […] Lire la suite
CLUNY, APOGÉE DE L'ART ROMAN (exposition)
Cluny matérialise de bien des manières l'histoire d'un élan et d'une passion. Tout commence avec une abbaye fondée en 910 sur les terres de Bourgogne et qui, sous l'impulsion d'une lignée d'hommes exceptionnels, du premier abbé, Bernon, à Hugues (1049-1109), ou Pierre le Vénérable (1122-1156), va devenir rapidement une des branches majeures de l'ordre bénédictin. À la suite de fondations successi […] Lire la suite
DIEUZAIDE JEAN (1921-2003)
Photographe français. Une carrière exceptionnelle, une œuvre d'une variété qui n'a d'égale que sa qualité, un engagement permanent pour promouvoir son art ont largement consacré Jean Dieuzaide (né à Grenade-sur-Garonne, en Haute-Garonne, en 1921 et mort à Toulouse en 2003) comme l'un des chefs de file de toute une génération d'hommes d'images en mal de reconnaissance. Reporter à ses débuts, en 194 […] Lire la suite
Voir aussi
- CHÂSSE art
- ABSIDE
- ART ANIMALIER
- ARC architecture
- THÉORIE DE L' ARCHITECTURE
- ARTS & MÉTIERS histoire
- ART AUVERGNAT
- BALDAQUIN
- PRIEURÉ DE BERZÉ-LA-VILLE
- BOIS sculpture
- ART ROMAN BOURGUIGNON
- BRODERIE
- ART DU BRONZE
- ÉGLISE DE BURGFELDEN
- ART BYZANTIN
- ART CATALAN
- TECHNIQUES DU CHAMPLEVÉ
- CHEVET
- CHŒUR architecture
- REPRÉSENTATIONS DU CHRIST
Pour citer l’article
Marcel DURLIAT, « ROMAN ART », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 11 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/art-roman/