ART (L'art et son objet)Le faux en art
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Qu'est-ce qu'un faux ?
Il importe de définir tout d'abord ce qu'est exactement le faux en art. Il réside dans l'intention frauduleuse, et non dans l'imitation elle-même. Les nombreux artistes qui s'exercent dans les musées depuis plus de deux siècles à copier les toiles des grands maîtres ne sont pas des faussaires, mais leurs ouvrages ont pu devenir des faux, soit par ignorance, soit par imposture. La réussite du faux suppose en effet une collaboration involontaire (plus rarement frauduleuse) de l'historien d'art qui avalise le faux ; quant au négociant, il peut aussi être de bonne foi, et se trouver la victime du faussaire et de l'historien d'art. Enfin, le faux suppose encore une certaine complaisance de la part de l'amateur abusé. Tôt au tard, d'ailleurs, le faux est démasqué, soit qu'une meilleure connaissance des styles et des manières l'ait rejeté parmi les apocryphes, soit que le faussaire, pour n'être pas frustré de la gloire de son exploit, finisse par se faire connaître, même contre son intérêt.
Il faut donc distinguer l'œuvre ancienne (parfois contemporaine de celle dont elle prend le masque, et que l'ignorance ou la supercherie font passer pour authentique) de la contrefaçon proprement dite. C'est cette dernière qui étonne toujours le public ; celui-ci se réjouit de voir dupé le riche amateur, se gausse de la confusion des experts et, secrètement, sympathise avec l'artiste faussaire dont il admire l'habileté. À notre époque, des mesures de répression sont prises contre les faussaires, tandis qu'on tente d'éviter les erreurs d'expertise par les examens de laboratoire.
Cependant, le faux n'est pas en lui-même indigne d'intérêt. On admire les chefs-d'œuvre de l'art antique à travers des répliques ou des copies dont beaucoup ont été vendues aux patriciens romains comme des œuvres authentiques. De même qu'on s'intéresse aux petits bronzes de la Renaissance, qui relevaient bien souvent d'une intention frauduleuse, mais qui constituaient des imitations si réussies de l'Antique que, pour beaucoup d'entre eux, les spécialistes hésitent encore aujourd'hui à se prononcer. Quant aux statuettes de Tanagra fabriquées dans des moules retrouvés dans les fouilles sont-elles ou non des faux ? Une vue plus juste ne nous ferait-elle pas reconnaître dans les pastiches gothiques faits pour Notre-Dame de Paris par le sculpteur Geoffroy Dechaume d'après les dessins de Viollet-le-Duc des œuvres qui, par rapport à leurs modèles, sont comparables aux copies romaines des originaux grecs ?
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Écrit par :
- Germain BAZIN : conservateur en chef au musée du Louvre, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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Pour citer l’article
Germain BAZIN, « ART (L'art et son objet) - Le faux en art », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 14 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/art-l-art-et-son-objet-le-faux-en-art/