KHMER ART
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Histoire de l'art khmer
La préhistoire, encore peu étudiée dans son ensemble, ne paraît pas fondamentalement différente de celle des contrées voisines. Il en va de même pour les sites relevant du « Néolithique attardé », contemporain de l'Âge du bronze tardif (par exemple Samrong Sen) et des nécropoles (jarres de céramique et matériel apparentés à la culture de Sà Huynh) de la région de Long Khan (Vietnam). Ces dernières et l'importante construction mégalithique de Xuân Loc seraient de peu antérieures à la fondation du Fou Nan, royaume sud-oriental de la péninsule, indianisé vers les iie et iiie siècles, et dont les ambassades en Chine sont attestées dès 243. Les fouilles (Oc-èo surtout) révèlent l'importance, dès ce moment, des relations avec le monde indien et les régions limitrophes de la mer de Chine méridionale. La diversité des influences reçues et une longue occupation des sites expliquent que l'architecture et la sculpture du Fou Nan demeurent fort mal connues, et qu'il est encore impossible de déterminer la nature et l'importance du rôle qu'elles auraient pu jouer dans l'évolution de l'art de l'ethnie khmère, originaire de contrées plus septentrionales.
La période pré-angkorienne (fin du vie s.-fin du viiie s.)
Encore que l'existence de sanctuaires en matériaux durables et d'idoles soit attestée au vie siècle par l'épigraphie locale et les textes chinois, on ne connaît aucun édifice ou sculpture antérieurs aux débuts du viie siècle. La qualité des œuvres attribuables aux années 620-650 révèle par contre une indéniable maturité dans l'interprétation originale des modèles indiens. C'est à cette période qu'il convient d'attribuer la fondation d'Īśānapura (moderne Sambor Prei Kuk), capitale d'Īśānavarman Ier (env. 616-639) et de ses successeurs immédiats jusque vers 680 environ. Vaste ensemble constitué essentiellement de trois groupes de temples, Sambor Prei Kuk annonce déjà, par l'ordonnance des groupes sud et nord surtout, les plans rigoureux qui caractériseront tous les grands temples khmers. Parfois de dimensions considérables, les sanctuaires sont édifiés en brique et couverts, comme dans les arts indianisés, par encorbellement. Comportant ou non une salle antérieure modeste, ménagée dans l'épaisseur de la maçonnerie, ils révèlent une certaine variété de plans : barlongs, carrés, voire octogonaux (propres au site de Sambor Prei Kuk). Ils présentent deux types de toitures : une succession de faux étages peu nombreux rappelant sensiblement les dispositions du corps de l'édifice ou un étagement pyramidal de terrassons peu élevés. Réservé aux sanctuaires les plus importants, seul le premier type inspirera les compositions ultérieures. Scandés de pilastres, les murs s'ornent souvent de palais « célestes », sculptés en bas relief dans la brique, qui affirment l'identité, traditionnelle, du sanctuaire de la divinité avec sa demeure cosmique. Quelques rares sanctuaires (Prasat Phnom Bayang), parfois édifiés peut-être en matériaux légers (Sambor Prei Kuk, monument 17 du groupe nord, Han Chei), et certains maṇḍapa, salle ouverte ou pavillon (Sambor Prei Kuk, monument 2 du groupe sud), enfermaient des cellules ou des sortes de dais en pierre, très richement sculptés, construits par assemblages à tenons et mortaises (emprunts directs à la charpenterie). Seuls deux sanctuaires en pierre appareillée sont connus pour toute la période pré-angkorienne. Unique dans l'art khmer, Asram Maha Rosei (voisin du Phnom Da) évoque l'art des Pallava et des Chālukya par ses dispositions et l'Indonésie par son mode de construction. Ce sanctuaire ne semblant pas antérieur à la fin du viie siècle ou au début du viiie, les remarques auxquelles conduit son étude sont d'une particulière importance pour la datation de la statuaire du style du Phnom Da, elle aussi exceptionnelle à bien des égards.
C'est le décor architectural (notamment les linteaux décoratifs et les colonnettes des portes) qui avait permis de proposer, à partir de données évolutives et de comparaisons avec des édifices datés par l'épigraphie, une chronologie relative de l'art pré-angkorien, avec définition de trois styles successifs dits de Sambor (Prei Kuk), de Prei Kmeng et de Kompong Prah (Ph. Stern, G. de Coral-Rémusat). Ces cadres se révèlent aujourd'hui trop rigides, les trois styles étant souvent davantage typologiques que chronologiques : les linteaux avec makara (monstres marins composites empr [...]
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Écrit par :
- Jean BOISSELIER : professeur émérite des universités (Paris-III), ancien membre de l'École française d'Extrême-Orient
- Claude JACQUES : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (sciences historiques et philologiques)
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Pour citer l’article
Jean BOISSELIER, Claude JACQUES, « KHMER ART », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 04 février 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/art-khmer/