KHMER ART
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Caractères généraux de l'art khmer
D'inspiration religieuse jusque dans ses réalisations utilitaires, l'art pré-angkorien et angkorien est essentiellement brahmanique (surtout śhivaïte). Alors peu attesté, le bouddhisme (Mahāyāna) s'impose momentanément avec le règne de Jayavarman VII (1181-env. 1218). À la fin du xiiie siècle, l'adoption, définitive, du bouddhisme Theravāda amènera un changement radical des traditions architecturales.
Ganasha, dieu à tête d'éléphant
ART KHMER, époque préangkorienne, VIIe-VIIIe siècle, Ganasha, dieu à tête d'éléphant, grès. Hauteur : 0,74 m. Musée national, Phnom Penh.
Crédits : Erich Lessing/ AKG
L'architecture
À partir de la tour-sanctuaire couverte d'étages plus ou moins nombreux (prasat), les Khmers ont composé dès les viie et viiie siècles (Sambor Prei Kuk, groupe sud) des ensembles géométriquement ordonnés complexes, ceints de murs concentriques et de fossés. Vers la fin du viiie siècle apparaîtraient les premiers sanctuaires édifiés sur pyramides à gradins (Prasat Ak Yum). Ce type, dit temple-montagne, développé, enrichi de salles annexes puis de galeries caractérisera les fondations les plus importantes de la plupart des souverains angkoriens. Moins fréquents, répondant à d'autres conceptions, mais aussi remarquables, sont les grands temples de plans axés édifiés en plaine (Prasat Thom de Koh Ker) ou à flanc de collines (Prah Vihear). Le Mahāyāna impose une adaptation de l'architecture traditionnelle, et les grandes fondations de Jayavarman VII se caractériseront surtout par un symbolisme qui, inspiré par la cosmologie, leur confère une originalité unique (Angkor Thom, le Bàyon, Neak Pean, etc.). C'est aussi la fin des grands programmes de construction. Le Theravāda, tout en faisant d'Angkor Vat le centre bouddhique du royaume, délaisse la construction « classique » et n'édifie plus que des monastères (dits pagodes) apparentés à ceux de la Thaïlande et du Laos.
Le Bayon (Angkor Thom), E. Haas
Les visages monumentaux du Bayon, temple central d'Angkor Thom (XIe-XIIe s.) au Cambodge.
Crédits : Ernst Haas/ Getty Images
Éclairée par-dessous, une statue de Bouddha dans le sanctuaire d'Angkor Vat, à Angkor, l'ancienne capitale du Cambodge. Photographie de Ernst Haas.
Crédits : Ernst Haas/ Ernst Haas/ Getty Images
Les sanctuaires, d'abord édifiés en brique (liaisonnées avec un liant végétal leur assurant une exceptionnelle cohésion), n'utilisent le grès que pour les cadres de baies et les linteaux décoratifs. À partir de la fin du ixe siècle, la construction en grès (blocs rodés assemblés à joints vifs, chaînés par ancrages ou, au xie s., par des poutres en doublure) s'impose progressivement. Seules des conditions locales particulières ont conduit à utiliser la latérite ou à maintenir l'usage de la brique aux xie et xiie siècles. Tombant en désuétude vers le xive siècle, la construction « classique » ne sera définitivement abandonnée qu'à la fin du xvie siècle.
Fronton orné de neuf nymphes célestes, les Apsaras
ART KHMER, époque angkorienne, fin XIIe-début XIIIe siècle, Registre inférieur de fronton orné de neuf nymphes célestes, les Apsaras, grès. Largeur : 2,76 m. Musée national des arts asiatiques - Guimet, Paris.
Crédits : Erich Lessing/ AKG
Le décor architectural
Relativement sobre, sa qualité et l'évolution sensible de ses principaux éléments (composition des linteaux décoratifs et des colonnettes des portes) ont permis d'établir la chronologie, relative, de l'art khmer à partir de la définition de styles (Ph. Stern et disciples). Si les linteaux décoratifs et les frontons caractérisent le décor khmer, l'importance accordée à la composition et à l'ornementation des accès des grands temples doit être aussi soulignée. Elle a conduit à la réalisation de sculptures qui peuvent être regardées comme les créations khmères les plus décoratives : lions (et quelquefois Gaṇa, déité de rang inférieur appartenant à la suite de Śiva) gardiens d'échiffres et, surtout, balustrades terminées par des Nāga polycéphales, être mythique mi-homme mi-serpent (ou des Garuḍa, oiseau mythique ennemi des serpents, fin du xiie s.) d'une superbe stylisation.
Mythe de l'origine du linga et sacre d'un roi
ART KHMER, époque préangkorienne, seconde moitié du VIIe siècle, Linteau historié : en haut, le mythe de l'origine du linga; en bas, le sacre d'un roi, grès. Musée national, Phnom Penh.
Crédits : Erich Lessing/ AKG
Blustrade-naga, Preah Khan, Cambodge
Au premier plan figure une balustrade-naga en grès dont l'extrémité est terminée par une sculpture en ronde bosse. Celle-ci représente l'oiseau mythique Garuda, monture de Visnu, chevauchant un Naga, être mi-homme mi-serpent. Cette iconographie à valeur prophylactique est caractéristique...
Crédits : Jacques SIERPINSKI/ Gamma-Rapho/ Getty Images
La statuaire
La plupart des idoles ont été exécutées en pierre (grès surtout), mais le bronze (parfois à forte teneur d'argent) a été aussi largement utilisé dès le viie siècle. Le bois semble avoir été réservé à certaines images du Bouddha (viiie s. et à partir du xiiie s. env.). Les statues des viie et viiie siècles, souvent dotées pour les consolider d'étais et d'arcs de soutien, fort variées dans leur iconographie, comptent souvent parmi les plus belles de tout l'art khmer. Vers les débuts du ixe siècle apparaissent les premières rondes-bosses intégrales. Favorisant, par souci de solidité, une recherche de frontalité et d'hiératisme, elles imposeront souvent à l'art angkorien une froideur à laquelle sauront échapper certaines écoles (ainsi, dynamisme de Koh Ker, douceur sensuelle de Banteay Srei, souriante bienveillance des figures de l'époque du Bàyon).
ART KHMER, époque angkorienne, première moitié du XIIe siècle, Personnage féminin agenouillé, support de miroir ou d'écran, bronze. Hauteur : 0,39 m. Musée national, Phnom Penh.
Crédits : Erich Lessing/ AKG
ART KHMER, époque angkorienne, premier quart du Xe siècle, Tête de Brahma, grès. Hauteur : 0,46 m. Musée national des arts asiatiques - Guimet, Paris.
Crédits : Erich Lessing/ AKG
Bronzes cultuels et orfèvrerie révèlent une très grande maîtrise technique et portent les qualités manifestées par le décor architectural à sa perfection (abouts de timons, crochets de litières, conques pour eau lustrale, parures d'idoles, etc.).
Céramique et peinture
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Écrit par :
- Jean BOISSELIER : professeur émérite des universités (Paris-III), ancien membre de l'École française d'Extrême-Orient
- Claude JACQUES : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (sciences historiques et philologiques)
Classification
Autres références
« KHMER ART » est également traité dans :
ANGKOR
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Voir aussi
- ARCHITECTURE RELIGIEUSE
- ASIE DU SUD-EST architecture
- ASIE DU SUD-EST sculpture
- ART BOUDDHIQUE
- BRIQUE architecture
- BRONZE sculpture
- DÉCORATION ARCHITECTURALE
- JAYAVARMAN VII
- PEINTURE MURALE
- PIERRE architecture
- PIERRE sculpture
- PRĀSĀT
- SANCTUAIRE
- SCULPTURE DÉCORATIVE
- SCULPTURE RELIGIEUSE
- TEMPLE
- TEMPLE Asie du Sud-Est
- TEMPLE-MONTAGNE
- TOUR-SANCTUAIRE
- VASES
Pour citer l’article
Jean BOISSELIER, Claude JACQUES, « KHMER ART », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 10 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/art-khmer/