- 1. Le poids des armes
- 2. La spécificité militaire
- 3. L'archétype atténué
- 4. Une spécificité contestée
- 5. La « civilianisation » de l'armée
- 6. La pression sociale
- 7. Pouvoir civil et pouvoir militaire
- 8. L'armée, groupe de pression
- 9. Le complexe militaro-industriel
- 10. Les tâches extramilitaires de l'armée
- 11. L'intervention de l'armée
- 12. Bibliographie
ARMÉE Pouvoir et société
L'armée, groupe de pression
Les divergences entre le corps militaire et les responsables politiques rappellent pour une part les désaccords armée-société : opposition de valeurs et de culture ; différences de rigueur, d'éthique, d'idéologie, sources de frondes et de rivalités propres à favoriser l'abus de force ou la confiscation du pouvoir par l'armée. Qu'aujourd'hui la majorité des prétoriens ressentent, toutefois, le besoin d'affirmer que leur action est temporaire, et qu'ils restaureront rapidement l'autorité civile, prouve que le principe de subordination à celle-ci est, dans l'ensemble, acquis. Il l'est, à vrai dire, d'autant plus qu'on a affaire à une société industrielle avancée où, à la fois, le niveau de culture politique et la complexité des rouages de l'État rendent dérisoire l'action de ceux que Malaparte appelait les « catilinaires ». Ce n'est pas pour rien que les derniers coups d'État en Europe surviennent au Sud, dans les pays les moins développés. Le professionnalisme moderne, à base de compétences techniques, éloigne d'ailleurs les militaires de ce genre d'aventure, tout comme les en éloigne leur « civilianisation », gage d'ouverture et de démocratie. L'idéologie perd donc ses aspérités pour se muer plus prosaïquement en défense d'intérêts corporatistes, la fronde cède le pas à la compétition : il s'agit de peser sur les décisions, de prendre place au sein de l'élite dirigeante, d'exercer une part du pouvoir, non de s'en emparer. L'armée devient ainsi, parmi d'autres institutions, en temps de guerre comme en temps de paix, et par mille biais, un groupe de pression.
Veto group, face à une autorité civile facilement inhibée qui craint d'autant plus de mécontenter son armée que celle-ci, dans sa mouvance comme dans les milieux de droite, dispose de défenseurs inconditionnels, quoi qu'elle fasse. Veto group, face à un ministre qu'elle n'aime pas, lequel réalise très vite qu'il est isolé, désinformé, « court-circuité », incapable en fait de prescrire certaines mesures ou de tirer les conséquences de certains rapports pour peu qu'elles indisposent la hiérarchie ; incapable aussi de modifier fondamentalement l'avancement et, à quelques exceptions près, d'imposer au Conseil supérieur de la guerre, où cooptation et conservatisme vont souvent de pair, les généraux de son choix. Une certaine aristocratie d'influence, de tradition et de connivence tient toujours le haut du pavé. Alain le disait : l'armée est soumise au pouvoir civil pour les grands mouvements, mais, pour l'administration et le commandement, elle gouverne plus qu'elle n'obéit. Et que dire de son poids lorsqu'il s'agit de la mise en service de matériels, moins justifiés parfois par des considérations stratégiques que par des préoccupations corporatistes, le souci qu'ont les « armes » de se pérenniser et leurs rivalités entretenant des dysfonctions et empêchant à l'occasion de trancher dans le vif.
Conseillers du gouvernement, état-major et services de renseignements, trop souvent « militarisés » et déformés par leurs méthodes au détriment de l'efficacité, tendent à hypertrophier la menace, à noircir les réalités et à préconiser des solutions de force qu'il faudrait précisément éviter. Le projet politique n'est pas de leur ressort : leur problème, c'est « l'ennemi », et ce sont les « moyens », d'autant plus nécessaires et par là même faciles à obtenir que le danger est présenté comme plus grand. Les spécialistes font de même qui, eux aussi, cherchent inconsciemment à se valoriser à travers des analyses et des décomptes outrés. Bref, la stratégie s'en trouve parfois dénaturée, l'« esprit de défense », les questions de sécurité, le pourcentage[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre DABEZIES : professeur à l'université de Paris-I, ancien président de la Fondation pour les études de défense nationale
Classification
Médias
Autres références
-
PROHIBITION DE LA FORCE ARMÉE (DROIT INTERNATIONAL)
- Écrit par Olivier CORTEN
- 7 931 mots
- 3 médias
La règle de la prohibition de la menace ou de l’emploi de la force armée offre peut-être la plus évidente illustration des profondes ambivalences qui caractérisent le droit international public en tant qu’ordre juridique. D’une part, la décision d’entrer en guerre constitue le cœur des...
-
AFGHANISTAN
- Écrit par Daniel BALLAND , Gilles DORRONSORO , Encyclopædia Universalis , Mir Mohammad Sediq FARHANG , Pierre GENTELLE , Sayed Qassem RESHTIA , Olivier ROY et Francine TISSOT
- 37 323 mots
- 19 médias
...sont inefficaces et la corruption prégnante. Pourtant, les États-Unis à eux seuls consacrent 47 milliards de dollars pour équiper, entraîner, financer l’Armée nationale afghane (ANA) entre 2005 et l’été de 2019. Dès lors que la mission d’entraînement de l’OTAN est considérablement réduite après 2014,... -
ALFONSÍN RAÚL (1927-2009)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 528 mots
Raúl Alfonsín, premier président argentin élu démocratiquement après la sanglante dictature militaire de 1976-1983, est mort d'un cancer, le 31 mars 2009 à Buenos Aires, à l'âge de quatre-vingt-deux ans.
Né le 12 mars 1927 à Chascomús, dans la province de Buenos Aires, Raúl Ricardo...
-
AMÉRIQUE LATINE, économie et société
- Écrit par Jacques BRASSEUL
- 13 727 mots
- 22 médias
L'armée a une longue tradition d'intervention dans la politique et le pouvoir en Amérique latine. L'instabilité qui y a été longtemps la règle est liée à cette tradition depuis bientôt deux siècles. Comme l'opposition ne pouvait pas s'exprimer librement, faute de démocraties solides, la révolution ou... -
ARGENTINE
- Écrit par Jacques BRASSEUL , Encyclopædia Universalis , Romain GAIGNARD , Roland LABARRE , Luis MIOTTI , Carlos QUENAN , Jérémy RUBENSTEIN , Sébastien VELUT et David COPELLO
- 38 895 mots
- 19 médias
...des familles des victimes et de défense des droits de l'homme, mais elle met également en évidence l'implication des corps d'armée dans leur intégralité. D'autre part, dans les casernes règne l'incompréhension la plus totale : les militaires estiment avoir gagné la guerre contre la subversion et il leur... - Afficher les 68 références