LANGAGE ACQUISITION DU

Des connaissances nouvelles dans l’acquisition du langage

Le bébé « statisticien » des formes sonores de sa langue

Le nourrisson de deux mois est capable de différencier sa langue d’une autre langue, si elles n’appartiennent pas à la même famille rythmique de langues (français et japonais). À partir de cinq-six mois, les patrons d’accentuation spécifiques des mots sont repérés et sont utilisés à partir de huit mois pour la segmentation en mots de la parole continue. Le bébé est alors capable de détecter parmi les combinaisons de sons de sa langue, celles qui sont possibles comme /part/ et celles qui ne le sont pas comme /tpar/ en français. C’est ce que l’on appelle la phonotactique d’une langue qui permet la découverte des limites des mots. L’exploitation par le bébé de la prosodie joue également un rôle central dans l’identification des frontières entre syntagmes.

Les grandes étapes de l’acquisition du langage

Les grandes étapes de l’acquisition du langage

Les grandes étapes de l’acquisition du langage

Les neuf grandes étapes de l'acquisition du langage.

Parallèlement à cette écoute active, entre deux et cinq mois, le bébé entre dans la période des jeux vocaux qui remplissent une fonction primitive de communication. Le babillage, quant à lui, apparaît de façon abrupte entre six et neuf mois sous la forme de consonnes et de voyelles répétées (ba, ba, ba). Les comparaisons interlangues ont montré que le répertoire des consonnes, la structure des syllabes, les accentuations dans le babillage correspondent aux propriétés de la langue en acquisition. En d’autres termes, le bébé babille dans sa langue. La forme des premiers mots est étroitement liée aux régularités phonologiques de la langue : entre douze et dix-sept mois, les enfants anglais réduisent les mots bisyllabiques en monosyllabes (« giraffe » devient « raf »), alors que les enfants français ne le font pas mais harmonisent les deux syllabes (« gâteau » devient « tato » et « chapeau » « papo »).

La compréhension précoce comme prédicteur de l’acquisition

Dans l’étude anglophone de référence à grande échelle de Bates, Dale et Thal, la compréhension des mots apparaît entre huit et dix mois : à huit mois, en moyenne 36 mots, à douze mois, 67 mots et à seize mois, 191 mots sont compris. Durant cette même période, la production est beaucoup plus lente : à huit mois, 1 mot, à douze mois, 10 mots et à seize mois, 64 mots. Ce décalage est bien étayé dans de nombreuses langues, mais les explications varient. S’agit-il d’un décalage ou d’une dissociation entre ces capacités ? Certains auteurs avancent l’idée de deux lexiques séparés, l’un en compréhension, l’autre en production, constitués de représentations distinctes. D’autres auteurs montrent que compréhension et production ne sont pas également corrélées aux autres activités cognitives non langagières de l’enfant. Ainsi, l’émergence de la compréhension des mots entre huit et dix mois, est-elle corrélée avec une série d’événements extérieurs au langage proprement dit : l’imitation de modèles nouveaux, l’existence de gestes communicatifs (de don, de pointage), des changements dans les capacités de catégorisation. Ces activités sont liées à l’établissement des fonctions dites exécutives du cortex frontal. L’analyse des potentiels évoqués recueillis pendant les deux premières années indique que des systèmes neuronaux distincts sont engagés dans la compétence langagière émergente. La compréhension lexicale précoce fait intervenir les deux hémisphères cérébraux, alors que la production sollicite plus strictement l’hémisphère gauche, spécialisé pour le langage. L’étude de la compréhension précoce est fondamentale : elle permet de comprendre ce que l’enfant sait sur le langage, alors que la production indexe ce qu’il en fait. Le lien étroit que la compréhension précoce entretient avec les capacités cognitives plus générales souligne toute l’importance de la détection des retards dans ce domaine. Alors que[...]

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Michèle KAIL, « LANGAGE ACQUISITION DU », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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Acquisition du langage

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Acquisition du langage

De nombreuses théories s'efforcent de rendre compte de l'émergence du langage dans le développement…

Noam Chomsky

Noam Chomsky

Noam Chomsky

Noam Chomsky en 1987, dans son bureau du Massachusetts Institute of Technology (université de…

Les grandes étapes de l’acquisition du langage

Les grandes étapes de l’acquisition du langage

Les grandes étapes de l’acquisition du langage

Les neuf grandes étapes de l'acquisition du langage.

Autres références

  • ACQUISITION DE LA PRAGMATIQUE DU LANGAGE

    • Écrit par Josie BERNICOT
    • 1 104 mots

    L’acquisition de la pragmatique du langage (S. Ervin-Tripp) correspond à l’acquisition des usages du langage considérés du point de vue cognitif, social et culturel. Les recherches sont réalisées dans le cadre théorique de la philosophie du langage. Tout énoncé est considéré comme un...

  • ACQUISITION DE LA SYNTAXE

    • Écrit par Michèle KAIL
    • 1 071 mots
    • 1 média

    Spécifiques de l’espèce humaine, les possibilités créatives infinies du langage s’enracinent dans la grammaire, composante emblématique de l’acquisition du langage. Dans l’appropriation de la grammaire, l’enfant est confronté à deux tâches : d’une part, isoler les éléments grammaticaux de la langue...

  • ACQUISITION DU LANGAGE CHEZ LES MALENTENDANTS

    • Écrit par Jacqueline LEYBAERT
    • 2 264 mots
    • 1 média

    Un des aspects les plus marquants du langage est qu’il peut être traité et appris aussi facilement par l’œil et la main que par l’oreille et la bouche – en d’autres termes, le langage peut être construit à partir de signes manuels ou à partir de mots parlés. Aujourd’hui, cette idée n’est plus controversée...

  • ACQUISITION DU LEXIQUE

    • Écrit par Dominique BASSANO
    • 894 mots

    L’acquisition lexicale s’amorce vers un an avec la production des premiers mots conventionnels. Comment l’enfant parviendra-t-il aux 50 000 mots en moyenne utilisés par l’adulte cultivé ? Ce processus implique l’apprentissage conjoint de la forme sonore des mots, de leur sens et conditions d’emploi...

  • DÉBUTS DE L'ACQUISITION DU LANGAGE

    • Écrit par Anne CHRISTOPHE, Isabelle DAUTRICHE
    • 1 343 mots

    De la naissance jusqu’à l’âge de trois ans en moyenne, l’enfant apprend, apparemment sans effort, une ou plusieurs langues maternelles. Pour ce faire, il doit apprendre le répertoire des sons spécifiques à sa langue (les consonnes et les voyelles), le sens des mots et la manière dont ils se combinent...

  • ACQUISITION DU NOMBRE ET DU CALCUL

    • Écrit par Jean-Paul FISCHER
    • 1 819 mots
    ...différencier deux collections plus grandes, par exemple de huit et seize objets, d’après l’impression de quantité ou de grandeur que donnent ces collections. C’est seulement avec le développement du langage (premiers mots vers un an) que les nombres symboliques pourront se développer. Les mots de nombre...
  • ACQUISITION DU RÉCIT

    • Écrit par Michel FAYOL
    • 975 mots

    Le récit est une forme de discours relatif à une séquence d’au moins deux événements ou actions réels ou fictifs qui sont généralement situés dans un cadre spatial et temporel. Il serait une forme universellement disponible ne nécessitant pas d’enseignement spécifique, au moins sous sa modalité...

  • APPRENTISSAGE IMPLICITE

    • Écrit par Pierre PERRUCHET
    • 959 mots
    • 1 média
    ...l’article et de l’adjectif avec le nom, sont apprises dans le cadre scolaire. Mais cet apprentissage n’intervient que vers l’âge de huit ans, alors que les productions verbales de l’enfant semblent se conformer à ces règles bien plus tôt. Un enfant de trois ans pourra dire correctement « une voiture verte...
  • APPRENTISSAGE, psychologie

    • Écrit par Daniel GAONAC'H, Jean-François LE NY
    • 5 226 mots
    • 2 médias
    ...certaines acquisitions sont prodigieusement « surapprises » : les auteurs qui accordent de l'importance au rôle de l'apprentissage dans le développement du langage diront, par exemple, que le sens d'un mot ou l'utilisation d'une règle grammaticale simple reçoivent des milliers, voire des millions de confirmations...
  • BATES ELIZABETH (1947-2003)

    • Écrit par Michèle KAIL
    • 384 mots

    Elizabeth Bates, nommée professeur de psychologie en 1983 à l’université de Californie à San Diego, est cofondatrice, en 1988, du premier département de sciences cognitives aux États-Unis. Elle y crée et dirige le prestigieux Center for Research in Language.

    En trente années, Liz Bates a...

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